Un titre assez dur, sûrement le plus difficile que j'ai lu de cette rentrée littéraire de par son sujet et la façon dont l'auteur a souhaité le traiter. Mais je voulais tout de même vraiment le lire, d'autant qu'il sortait chez Récamier, une maison d'édition que j'aime beaucoup. Premier roman de l'auteur congolais Steve Aganze ayant figuré parmi les finalistes du concours "Voix d'Afrique", je vous parle aujourd'hui de Bahari-Bora.
C'est le nom d'une jeune fille de 18 ans, se retrouvant à l'hôpital après s'être enfuie d'un groupe armé dans lequel elle était retenue depuis cinq ans. A l'hôpital, où on lui découvre une grossesse, on lui dit que celle-ci doit être interrompue pour sa santé. Elle découvre alors des soignants préoccupés par son cas, des personnes humaines, chose qu'elle n'avait pas côtoyée depuis longtemps. Le Dr Farid et Sofia écoutent l'histoire de cette jeune fille qui après avoir tué un homme pour s'échapper du groupe armé dans lequel elle était détenue est désormais libre. Orpheline, la jeune femme a été élevée dans un orphelinat tenu par une certaine Mathilde, qu'elle appelle Maman Mathilde, où elle a vécu jusqu'à ses treize ans. Age auquel elle fût enlevée par des forces armées rebelles, phénomène prenant de la puissance dans le pays genre Boko-Haram.
Enlevée de force par ces hommes cruels, elle fût leur esclave sexuelle, et leur combattante, endossant les armes pour services leurs missions. A son arrivée, tout un tas de femmes voilées de la tête aux pieds examinaient les quarante-sept filles enlevées pour vérifier si elles avaient leurs règles, en examinant leurs organes génitaux (scène particulièrement difficile). Notre héroïne ne les avait pas à l'époque priant qu'elles arrivent le plus tard possible, sachant ce qui l'attendait lorsqu'elle les aurait... Elle fut donc à la merci de ces hommes pendant cinq ans. Elle n'attendait aucune compassion de ces femmes car "pour ressentir de la compassion, il faut un cœur qui bat. Or les louves n'en n'ont pas. Leur cœur s'il existe, est fait de pierre, de brique, de béton." Ces filles furent complètement isolées de la société car à la merci de ces hommes, sans espoir de retourner à une vie normale étant vues comme impies, impures, rejetées par tous, habitants des villages comme leurs familles. "Rejetées par la société, elles deviennent des parias. Personne ne veut d'une combattante rebelle, marquée par la violence. Personne ne veut d'une fille enceinte, et de la charge supplémentaire que représente un enfant non désiré. Personne ne veut d'une dépense, d'une bouche de plus à nourrir dans des communautés déjà démunies. Rejetées, stigmatisées, elles errent sans but à la merci des dangers de la forêt".
Le récit navigue entre cette époque horrible que vécu notre héroïne, période de présent à l'hôpital, et même une fois sortie. On découvre les conditions de sa détention, la façon dont elle est partie, comment, et ce qu'elle fit ensuite, une fois libre. Un semblant d'espoir qui l'étreignit, un jeune homme au volant d'une camionnette déjà bien pleine qui accepta de l'aider, la jeune femme se retrouvant à lui être redevable à servir les intérêts de l'homme et des jeunes qui vivent avec lui. Elle fait alors la rencontre d'un certain "petit forgeron", un gamin à qui il manque des doigts, ayant été amputés par un homme violent, à qui son frère dit qu'il devrait être fier. On découvre alors la réalité d'un pays en guerre, instable, avec une situations politique et sociale très compliquée où les groupes rebelles prennent le pouvoir et font la loi, l'armée n'hésitant pas à embrigader des gamins abandonnés afin d'agrandir les rangs pour combattre cette véritable épidémie.
Un roman dur, mais beau et plein d'espoir sur la réalité d'être une fille au Congo. Plein de poésie et de beauté ce roman n'est pas l'occasion de se plaindre mais de constater, via le personnage puissant d'une jeune femme à qui la vie n'a pas fait de cadeau, gardant dans son cœur l'espoir de retrouvailles avec sa mère adoptive, seul amour qu'elle n'a jamais connu ainsi que Mawingo.
"Bahari-Bora" de Steve Aganze, 20.90€

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