Premier titre de la rentrée littéraire Grasset que je lis avec évidemment le nouveau Chalandon, que j'attendais impatiemment, étant LE titre Grasset qui serait le premier lu et un des titres tous éditeurs confondus que j'attendais. Ayant adoré "Le quatrième mur" lu il y a plus de dix ans ainsi que son dernier "L'enragé" beaucoup aimé également, j'avais très hâte de découvrir son nouveau. Doté d'une belle plume et capable de nous embarquer là où il le souhaite, j'aime vraiment beaucoup l'écriture de l'auteur.
Dans ce roman largement autobiographique, je ne sais pas jusqu'à quel point par contre, l'auteur nous raconte la vie de Kells (surnom) d'un jeune homme lyonnais de 17 ans décidant un jour de quitter le domicile familial. Foyer malsain avec un père violent, intolérant, antisémite, raciste et j'en passe et la mère, parfaite épouse soumise. Kells en a marre, part avec le gros sac à dos de son ami Jacques, avec "La nausée" de Sartre, une photo de Guignol la petite marionnette lyonnaise et une carte postale représentant les trésors de Kells ( manuscrit enluminé du Moyen-Age irlandais d'où il tient son surnom). Les premiers temps il se retrouve seul dans Lyon à la rue à déambuler, à tacher de trouver un peu de nourriture pour survivre. Il se fait aider quelques fois mais la plupart du temps il dort à la rue.
Il se retrouve ensuite à Paris, ayant toujours voulu voir la capitale et la vie là-bas, loin de ce père, "L'autre", figure toxique de laquelle il souhaite partir au plus loin, un homme toujours pleins de jugements sans fondements. La vie de notre jeune Kells ne s'améliore guère avec la rue toujours qu'il visite, la misère, les vêtements sales, la faim et la soif le tenaillant. Refusant de faire la manche, il s'arrange pour voler juste de quoi faire cesser cette faim tenace. Il dort sous les ponts, se douche une fois par semaine aux bains publics où il profite pour laver ses vêtements même si ce n'est pas autorisé. Il fait la connaissance de jeunes un peu hippies souhaitant partir pour l'Inde, Kells aussi se prenant d'affection pour cette idée. Il rêve de lointain, d'ailleurs où il pourra se réinventer. Un jour il rencontre une jeune femme parlant anglais lisant la presse quant à l'affaire de Angela Davis faussement accusée dans une grave affaire. Notre héros pense alors au fait que sa tante s'appelle comme la militante et lors de sa première prise de LSD, il pense que les deux Angela ne sont qu'une seule et même personne.
Les semaines passent, Kells fait le dos rond, échappe à la police malgré les difficultés, étant même confronté à une situation où un policier le laisse partir. Après avoir dormi dans la rue, dans des appartements miséreux qui lui auront au moins permis de ne pas dormir au froid, et même hébergé gentiment chez une vieille dame, Kells rencontre d'abord Norman, lors d'une manifestation de racisme anti-jeunes organisée par une organisation d'extrême-gauche distribuant illégalement un journal, "La cause". Norman s'intéresse rapidement au jeune garçon tout comme le jeune garçon est curieux devant cette notion de racisme anti-jeunes et la cause que servent ces hommes.
Il se rapproche donc d'eux, de Daniel, de Eric, de Denis d'origine chilienne, du fameux Norman, prof, de Marc bossant chez Renault, de Yves, de Yann lui prêtant même un logement. Kells ne connaît pas les codes mais va les apprendre. Il quitte la rue, c'est ce qui est le plus important pour lui, et se met à beaucoup côtoyer tous ces hommes jeunes ou moins jeunes voulant libérer les travailleurs et punir les mauvais patrons. Certains sont encore étudiants ou dans le milieu estudiantin tandis que d'autres se tuent au travail dans de mauvaises conditions. Se revendiquant comme affiliés à Mao mais n'ayant en vérité jamais lu le petit livre rouge, le parti de ces hommes va devenir le refuge de Kells. Ses copains, son refuge, son potentiel futur, sa raison de vivre, n'oubliant pas que grâce à eux il a un toit, un travail, en changeant régulièrement mais de quoi se nourrir.
Le récit se déroule sur plusieurs années durant lesquelles le jeune homme grandit, entouré d'espoir, de violence aussi mais de perspectives pour son avenir qu'il n'envisageait pas. Enfin des gens croient en lui et le considèrent comme leur égal. Ils vont même jusqu'à infiltrer des groupes d'extrême droite pour les détruite de l'intérieur, c'est d'ailleurs de cette façon qu'il rencontrera Nadine, une des leurs. Le mouvement politique des jeunes hommes n'est pas un long fleuve tranquille, étant souvent confronté à de la violence policière en face ainsi que celles de partis opposés. Kells dit "j'avais été compagnon de route, j'allais devenir compagnon de doutes", cette nouvelle vie n'étant pas si simple.
Un roman très politique et social dans les années 70, véritable miroir de la société de l'époque. J'ai appris pas mal de choses notamment la vie de Chalandon en partie, comment il s'est retrouvé politiquement impliqué car ayant commencé à travaillé pour Libération. Un récit émouvant et assez dur mais vraiment bien.
"Le livre de Kells" de Sorj Chalandon, 23€

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