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La lignée

 Une des sorties que j'attendais en cette toute fin du mois de février. Aurélie Valognes. N'ayant pas lu son roman précédent et certainement celui d'avant aussi, mais en ayant lu d'autres que j'ai beaucoup aimés, j'avais hâte de lire celui-ci, sous forme de correspondance épistolaire entre deux femmes. Des lettres échangées durant des années entre Madeleine et Louise, la première une vieille dame anciennement écrivaine, qui connut beaucoup de succès mais n'écrit plus, et Louise qui veut écrire. Un pitch qui m'avait l'air pas mal du tout, assez émouvant, je l'ai donc emprunté pour le lire directement à la librairie mais de façon entrecoupée, je l'ai donc pris chez moi deux jours, pour le terminer tranquillement d'une traite et faire l'article. Je l'ai donc lu en plusieurs jours, les premiers jours uniquement un peu au boulot et en pause repas, je n'ai donc guère avancé, mais j'avais bien accroché pour ensuite le finir le premier dimanche de mars. 

L'autrice française nous livre alors son roman le plus intime, même si elle n'a pas eu de Madeleine pour l'épauler, bien qu'elle-même ait écrit à Annie Ernaux afin de lui faire lire le manuscrit d'un de ses romans qui lui avait répondu. Aurélie Valognes pourrait donc être la Madeleine d'une fameuse Sarah, qui n'a pas encore publié mais lui demande des conseils, nous raconte t-elle en fin de roman.

Louise donc, a à peine 30 ans au début de leur correspondance, et elle écrit à Madeleine plus de 70 ans, qu'elle admire, grande écrivaine qui a marqué les esprits mais n'écrit plus. Elle souhaite des conseils de la part d'une femme qu'elle admire, souhaitant écrire, mais ne sachant pas comment s'y prendre. Elle est mariée, est enceinte de son premier enfant et Madeleine la pousse à écrire lors de leurs premiers échanges. Louise l'écoute, sans pour autant écouter les conseils d'écriture de son aînée. Elle se trouve nulle, doute sans arrêt mais reçoit du soutien de la part de Madeleine. Son enfant naît, elle finit par trouver un éditeur intéressé après avoir mis son roman sur une plateforme d'auto édition afin d'obtenir l'approbation de quelques personnes ayant lu et aimé son texte. 

La promotion commence, les salons, les rencontres avec son lectorat, bien que la frustration et la fatigue soient omniprésentes, entre son rôle de nouvelle maman, son travail qui reprend, sa vie de couple à gérer en plus de toutes ces sollicitations liées à sa nouvelle passion qui lui prend du temps. Elle continue pourtant, toujours encouragée par Madeleine qui de son côté passe plusieurs heures par jour devant sa table de travail à écrire des idées, lire, réfléchir, dans sa maison de Bretagne dans laquelle elle vit une vie tranquille, entourée de sa chienne et de son jardin.

Louise se met à l'écriture de son second roman, le roman le plus difficile selon Madeleine, bien que celui-ci soit complètement transformé à cause de son éditrice qui n'est pas dans l'échange avec elle mais dans la critique perpétuelle, qui la casse sans expliquer ce qui ne va pas, ce qui frustre terriblement Louise, toujours en quête de bien faire. Notre nouvelle autrice a peur de décevoir son lectorat, a peur de ne pas trouver LA bonne idée. Madeleine partage avec elle ses propres expériences pour lui envoyer du courage et l'aider.

Louise est une femme solitaire, qui aime le calme, lire une tasse de thé tout en lisant et écrivant retirée dans son bureau à observer les oiseaux tout en écrivant. Son mari ne comprend pas vraiment son besoin d'écrire, son entourage se fait un devoir de commenter ses choix, sa place de femme est interrogée. Pourquoi écrit-elle, et ne va t-elle pas simplement travailler, s'occuper de son fils et de son mari? Ou mieux pourquoi ne reste t-elle pas à s'occuper de la maison? Louise a de l'ambition, monte en grade, a peur de l'ennui, se maintient toujours occupée, déteste les vacances, le bruit, les invités, mais a besoin de son chez soi, ses repères, sa tranquillité. Son mari ne comprend pas, ce qui mène le couple à des soucis. Son second roman paraît enfin, se sentant dépossédée de son texte ayant été malmené à de maintes et maintes reprises par son éditrice vue comme une femme frustrée et méchante par Madeleine, et aucunement comme étant une professionnelle dans le dialogue avec Louise. Cependant son contrat s'achève, et elle est libre de change d'éditrice si elle le souhaite. Car l'écriture c'est trouver une liberté, par être enchaînée pieds et mains. 

Louise continue sa vie, enceinte de son second enfant, continuant d'écrire, travaillant toujours dans son entreprise, menant plusieurs vies en une. Son travail de bureau, dans lequel chaque minute est précieuse, son travail d'écrivaine le soir, les weeks-ends venus, et son travail de mère, tout ça prenant beaucoup de place dans sa vie. Une vie bien occupée mais solitaire, vie incomprise. Intense lorsqu'elle rencontre son lectorat mais si calme lorsqu'elle rentre chez elle. 

Son mari ne s'intéresse pas à ce qu'elle fait et ne comprend tout simplement pas. Madeleine lui partage alors son divorce, son mari ne comprenant à l'époque pas non plus ce besoin d'écrire, la place de la femme à l'époque étant à la maison. Ses enfants pas proches d'elle, car elle était trop occupée à écrire.

 Une réflexion profonde sur l'écriture, les motivations de ce besoin, la solitude, le couple, la place de la femme... Un beau portrait de deux femmes, de leur époque respective plein de respect, de bonnes ondes, mais aussi de difficultés, d'échecs, de déceptions. Une phrase m'a marquée, celle d'un homme commentant le manque d'écrits féminins à l'époque disant alors : "c'est toute une littérature à laquelle il manque une moitié du monde". Qu'aurait été le monde si les femmes avaient été plus valorisées, avaient eu plus de libertés, et avaient pu écrire comme elles le souhaitaient? Louise doit trouver sa place là-dedans, dans cet emploi du temps infernal qu'elle décide finalement d'alléger, chose qu'elle voit comme un échec, mais nécessaire à la poursuite de ses écrits. Elle se nourrit d'émissions radio, de livres, car être un bon écrivain c'est avant tout élargir sa culture et se construire une culture littéraire comme lui dit Madeleine, vieille femme avisée et réfléchie. 

Deux générations qui se parlent, deux femmes, dont les vies s'entrecroisent, la jeunesse et ses doutes et la force de l'âge et son expérience. Un beau portrait de femmes de leurs temps. Un beau récit qui m'a bien émue à la fin.


"La lignée" de Aurélie Valognes, 21.90€

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