Un roman pour le moins spécial et assez dur, que j'étais curieuse de lire en le recevant à la librairie. Je l'ai donc demandé au représentant pour l'avoir pour moi et pour pouvoir le découvrir. A mon retour de Corée on l'avait reçu, j'en ai donc profité pour le lire. J'aurais mis plus d'une semaine à le lire, étant bien épais, et bien occupée, n'ayant pas un temps infini pour lire. J'ai noté pas mal d'éléments pour rédiger cet article, ayant énormément de choses à dire sur le sujet.
Le roman se passe sur plusieurs décennies, et à l'aide de l'histoire vraie de plusieurs médecins américains du XIXème siècle ayant réellement existé, l'autrice américaine imagine une histoire sur Silas Weir, pionnier de la gyno-psychiatrie, qui exerça son activité de médecin des décennies durant. Années 1830, notre héros Silas Weir est un jeune homme ambitieux, se destinant à la médecine. Jeune homme incompris et peine de réussites et souhaitant l'admiration de ses pairs, il ne va rien lâcher jusqu'à la fin de sa vie. Sa famille ne le voit pas du même œil et ne l'autorise pas à aller étudier dans une prestigieuse université. Peu importe, il va arriver tout de même à ses fins. Il se retrouve médecin au sein d'un asile pour femmes "aliénées" de la ville de Trenton New-Jersey. Un de ses parents en est le directeur, et des années durant, il tente de se rapprocher de lui, son ego étant très important, et souhaitant se faire connaître et apprécier.
Au sein de cet asile dans lequel il va exercer des décennies durant, Silas en devient des années plus tard, le directeur. Mais avant cela, à peine arrivé, il expérimente des pratiques médicales sur des femmes, aliénées donc folles, ce qui ne l'affecte que peu, si ses expériences foirent. Elles étaient de toute façon destinées à mourir un jour où l'autre, et tant que la recherche avance, c'est tout ce qui importe à ses yeux. Il s'entoure rapidement de Gretel, une jeune femme d'origine allemande devenant son assistante et bras droit, avec laquelle il travaillera des années durant, même si celle-ci n'est pas toujours d'accord pour s'exécuter selon les ordres de son chef. Un jour alors qu'il accouche une belle jeune femme sourde et muette albinos du nom de Brigit Kinealy d'origine irlandaise, Silas se met en quête de la réparer. En effet, guère peu après son accouchement, la jeune femme montre des signes de fistule, se caractérisant par un abouchement anormal d'une cavité, souvent suite à un accouchement violent, provoquant la libération sans pouvoir la contrôler de l'urine et des selles. Bref, pas très sympathique donc. Silas expérimente donc à plus d'une dizaine de reprises des expériences sur la jeune femme sans anesthésie la plupart du temps, sans rien, à l'époque la médecine n'était guère avancée, afin de réparer cette maladie. Il y met tout son cœur, s'aide même d'une cuillère pour pouvoir mieux appréhender l'intérieur d'une femme, et aidée de Gretel, il va tenter plusieurs opérations. Certaines réussissent mais jamais très longtemps, donnant de l'espoir, puis une énorme déception à la jeune fille, qui s'est vue enlever son enfant issu d'une agression de l'ancien directeur... Elle travaille dans les latrines, au plus bas, à l'abri des regards, sa maladie étant si honteuse qu'elle ne peut travailler en contact direct avec du public.
Les conditions d'opération sont très spartiates, nous sommes au milieu du XIXème siècle, et notre docteur obnubilé à l'idée d'aider les femmes, et de devenir un pionnier de la médecine va aller de plus en plus loin... Sa cuillère va devenir l'ancêtre du spéculum, il va découvrir petit à petit le fil d'argent pour recoudre, bien plus résistant. Tout un tas de petites choses qui vont lancer le LA à l'évolution de la médecine. Cependant, Silas obsédé à l'idée d'aider les femmes, ne va pas seulement recoudre des femmes de l'intérieur pour leur bien.. Il va également enlever des utérus, et même clitoris lorsqu'il se rend compte que celui-ci se dresse furieusement lorsqu'une femme aliénée s'énerve. Il pense donc que les organes génitaux féminins seraient entièrement liés à leur folie. Il pense que cerveau et organes génitaux sont liés intrinsèquement. Il ne se gêne donc pas dans l'ablation de ceux-là, même s'ils ne sont pas malades. Forcément quelques scènes sont assez difficiles à lire, mais honnêtement j'aurais cru que ce serait limite pire.
Silas commence à faire parler de lui dans la région, sa belle-famille, parents de sa femme Theresa ne le voient que d'un mauvais œil, le considérant comme un médecin raté travaillant dans un asile de folles. Petit à petit alors qu'il s'élève socialement et alors que ses expériences vont devenir importantes pour le monde de la médecine, accompagnées d'article sur divers sujets toujours en rapport avec les femmes, sa belle-famille va l'estimer plus. De son côté vie privée, pas grand chose se passe avec sa femme Theresa, même s'ils auront jusqu'à neuf enfants, mais Silas étant toujours très occupé, il ne s'occupera que peu de ses enfants et ne verra que rarement sa femme. Il a en estime seulement son aîné Jonathan, qu'il voit comme son futur héritier, même si celui-ci se refuse à faire de la médecine et encore moins, cette médecine. On reparlera de Jonathan plus tard dans le récit qui aura un rôle important.
Silas s'adonne aussi à des opérations du visage des femmes, comme à vouloir réparer un bec-de-lièvre, sans anesthésie, étant persuadé que cette partie du visage serait indolore. Le résultat est catastrophique et la femme souffre... Il est aussi persuadé que la cause de la schizophrénie des femmes, vient des voix qu'elles entendent dans leurs têtes, qu'il faut donc soigner les oreilles en perçant les tympans... Sympathique. Gretel n'est pas d'accord pour cette opération tout comme d'autres qu'elle juge inhumaines comme sur Lucy et sur une autre femme, sur lesquelles Silas a essayé tout un tas de plantes et méthodes pour la guérir, et n'a rien fait pour l'autre afin de voir le résultat final. Deux cobayes purs de ses expériences, entraînant un nombre de mortes de plus en plus élevées, cachant parfois les cadavres afin de ne pas être inquiété. Un jour il décide de tenter une expérience sur des jumelles tout juste nées, d'en isoler une, qu'elle ne voit pas sa mère, ne soit pas allaitée, tandis que l'autre restera avec elle, sera nourrie et aimée. Gretel naturellement souhaite empêcher le docteur de réaliser cette expérience qu'elle trouve inhumaine, mais est supposée lui obéir comme à un maître, Silas répétant qu'il s'agit de la science.
Il enlève aussi régulièrement des dents abîmées, responsables selon lui aussi de la folie, certaines femmes se retrouvant quasiment édentées et certaines même mourant d'hémorragie. Silas teste plusieurs plantes et anesthésiants comme la méthadone, chloroforme... Bientôt aidé aussi de Brigit devenant son second bras droit, les expériences continuent, le médecin se voyant au panthéon de la médecine moderne. Il allonge les femmes aidé de linges mouillés, l'ancêtre de la camisole de force, un des médecins de l'asile lui piquant ensuite son idée, Silas clamant qu'il s'agissait de la sienne. La pratique de la saignée est alors très courante, les prises de sang n'existant pas ainsi que d'autres techniques de purification du sang, celle-ci pouvant s'avérer dangereuse pour de nombreuses femmes, mais il s'agit d'un risque qu'il est nécessaire de prendre. Silas chaque soir boit un cocktail à base de whisky, de cocaïne et de laudanum, duquel il devient accro, lui permettant de ne pas dormir beaucoup, de se concentrer et j'imagine se déshumaniser pour aller toujours plus loin.
Il en vient même à vouloir enlever des langues de femmes hystériques, convaincu que sans, la folie les quittera. Un boucher donc, comme le titre l'indique. Il se convainc en se disant que sans lui, ces femmes de toute façon oubliées de la société seraient encore plus en peine, et qu'il leur rend service. Une ressemblant à une grosse chauve-souris, plus qu'à un être humain, sa vie ne peut donc pas être pire, pense t-il à propose de Juel, une femme sujette à tout un tas d'expériences. Mais un jour, alors que Silas est devenu directeur depuis des années, qu'il exerce comme il le souhaite, l'asile présentant bien dans les pièces ouvertes au public mais pratiquant l'impensable dans les parties privées, des femmes se rebellent et décident de débuter une insurrection contre ce "boucher aux mains rouges" comme elles appellent entre elles ce bourreau prêt à tout.
On a donc tout au long du récit un point de vue extérieur à Silas, puis celui de Brigit et Gretel, qui apportent plus de profondeur au récit. Une lecture difficile je ne vous le cache pas, cet homme réalisant tout un tas d'horreurs au nom de la médecine, certaines pouvant être louables mais certaines ne l'étant évidemment pas. J'ai beaucoup aimé cependant, en apprendre plus sur le sujet de la médecine, surtout à cette époque-là, il y a plus de 150 ans. Je vous le conseille pour celles et ceux que le sujet intéresserait, mais attention, l'autrice ne prend pas de gants.
"Boucher" de Joyce Carol Oates, 25€
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